Des salariés qui s’insultent, se menacent, ne se parlent plus. Une ambiance délétère qui se généralise. Un manager impuissant, des RH démunis. Quand le conflit devient violent, les repères vacillent. Et pourtant, ces situations extrêmes prennent souvent racine dans des tensions ordinaires, passées sous silence. Alors, que faire lorsque la situation explose ou menace de le faire ? Cet article vous propose un tour d’horizon complet : comprendre, anticiper, intervenir.
1. Quand le conflit dépasse le simple désaccord
Les conflits font partie intégrante de la vie professionnelle. Selon une étude menée par le cabinet OPP (éditeur du test MBTI), 85 % des salariés sont confrontés à des conflits sur leur lieu de travail. Parmi eux, les plus fréquents concernent des désaccords sur les méthodes de travail, les différences de valeurs ou de personnalités, ou encore des incompréhensions liées à la communication. En revanche, les conflits liés à la compétition hiérarchique ou aux objectifs sont plus rares mais souvent plus intenses.
Dans certaines organisations, ces désaccords restent ponctuels, gérables, et même parfois constructifs. Mais dans d’autres contextes, ils dégénèrent. Lorsque la violence verbale s’installe, que des menaces émergent, que certains salariés redoutent de venir travailler, le conflit change de nature : il devient toxique et systémique.
C’est ce qu’a vécu une collectivité territoriale accompagnée par Quéoris. Dans le service d’entretien, les salariées ne se contentaient plus de s’éviter : les insultes fusaient, les clans se formaient, et le conflit contaminait progressivement l’ensemble de l’équipe. Les tensions s’étaient ancrées dans le quotidien, au point de paralyser le bon fonctionnement du service.
Lorsque l’on en arrive là, il ne s’agit plus d’intervenir pour « désamorcer une tension », mais pour protéger les salariés, rétablir un cadre, et reconstruire un fonctionnement collectif. Ce type de conflit, s’il n’est pas traité, peut entraîner des dommages humains durables, affecter la santé mentale des équipes et désorganiser toute une structure.
2. Des signaux trop souvent ignorés… jusqu’à l’escalade
Comment en est-on arrivé là ? Cette question, de nombreux employeurs ou responsables RH se la posent une fois le conflit installé. Et la réponse est rarement évidente
Dans les équipes où les salariés travaillent en autonomie, en horaires décalés ou sur des sites différents, il est difficile de capter les premiers signes de tension. Le management n’est pas toujours présent, et les conflits progressent dans l’ombre
Même en étant sur place, il n’est pas toujours évident de reconnaître une tension naissante. On manque parfois de formation pour identifier les signaux faibles, ou de recul pour distinguer une mauvaise humeur passagère d’un malaise profond. Le quotidien est souvent absorbé par des urgences opérationnelles : il devient alors difficile de prendre le temps d’observer, d’écouter, de prévenir
Parfois aussi, on évite : par peur de mal faire, par espoir que « ça passe », ou parce qu’on pense que « les adultes vont se gérer entre eux ». Ces réflexes sont humains, mais ils laissent la porte ouverte à l’escalade
Or, les signes avant-coureurs sont bien là. Ils peuvent être discrets, mais leur accumulation crée un terrain propice à la rupture. Voici quelques exemples de signaux classés par intensité :
Signaux légers (à surveiller) :
- baisse de la communication spontanée,
- soupirs, regards fuyants ou agacés,
- allusions ou ironies répétées,
- commentaires négatifs diffus (sur le ton de l’humour)
Signaux modérés (alerte active) :
- plaintes récurrentes à la pause ou en off,
- mise à l’écart d’un salarié,
- tensions lors des réunions,
- refus de collaborer ou d’aider
Signaux critiques (urgence à intervenir) :
- insultes, hausse du ton,
- accusations frontales,
- conflits ouverts devant des tiers,
- menaces explicites, arrêts maladie liés au climat de travail
Ignorer ces signaux ou les minimiser revient à prendre le risque de voir le conflit se cristalliser et contaminer l’ensemble de l’équipe.

3. Un impact bien plus large qu’on ne l’imagine
Un conflit n’implique jamais seulement deux personnes. Il diffuse dans l’ensemble du collectif, modifie les comportements et fragilise profondément la dynamique de travail. Une ambiance pesante s’installe, les collaborateurs deviennent méfiants, les échanges se réduisent à l’essentiel, et chacun adopte une stratégie de survie
Les conséquences sur l’équipe sont nombreuses :
- désengagement émotionnel : les salariés cessent de s’impliquer, évitent les échanges, limitent leur investissement,
- perte de cohésion : les équipes se fragmentent, des clans se forment, la solidarité s’effondre,
- baisse de la communication : les non-dits se multiplient, les malentendus aussi,
- climat d’insécurité psychologique : certains salariés n’osent plus s’exprimer, d’autres redoutent les représailles ou les critiques publiques
Et l’entreprise dans tout cela ? Elle n’est pas épargnée. Un climat conflictuel entraîne une multiplication des erreurs, une détérioration de la qualité de service, et dans certains cas, des répercussions directes sur la relation client. La marque employeur peut également en souffrir, surtout lorsque le mal-être des équipes transparaît à l’extérieur
Dans une PME industrielle accompagnée par Quéoris, une tension larvée entre deux chefs d’équipe s’est transformée en opposition ouverte. Rapidement, les opérateurs ont pris parti, les consignes se sont contredites, et les délais de production n’ont plus été tenus. Il a fallu trois mois pour reconstruire un fonctionnement coopératif
Selon le baromètre du climat social de l’IFOP (2022), 37 % des salariés estiment que les conflits entre collègues ont un impact direct sur leur efficacité au travail, et près d’un quart déclarent éviter de collaborer avec certaines personnes en raison de tensions passées
Le conflit isole, épuise et déstructure. Plus il dure, plus il devient difficile de retrouver un équilibre sans intervention extérieure.
4. Un coût économique bien réel
Les conflits internes ont un coût. Et ce coût est souvent bien plus élevé qu’on ne l’imagine
Selon la Harvard Business Review, un conflit non résolu coûte en moyenne 15 000 € par an et par salarié impliqué. Ce chiffre prend en compte les arrêts maladie, le désengagement, les erreurs de production, le temps perdu en gestion RH et les départs précipités. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg
En réalité, les conflits internes engendrent trois types de coûts :
- Coûts directs : absentéisme, turnover, perte de productivité, temps passé en gestion de crise
- Coûts indirects : surcharge des managers, démobilisation des équipes, altération de la qualité
- Coûts cachés : rumeurs, perte de confiance, méfiance durable, climat délétère
Les managers sont en première ligne. D’après une étude Cegos de 2023, un manager sur deux consacre plus de 20 % de son temps à la gestion des tensions internes. C’est du temps non consacré à l’organisation, à la stratégie ou à l’accompagnement des équipes
À cela s’ajoute la responsabilité juridique de l’entreprise. Le Code du travail (article L4121-1) impose à l’employeur de protéger la santé physique et mentale des salariés. Laisser perdurer un climat de tension peut ainsi engager sa responsabilité, notamment si un salarié en souffrance saisit les prud’hommes ou l’inspection du travail
Enfin, les conflits récurrents affaiblissent la capacité de projection de l’entreprise. Les projets stratégiques sont ralentis, les dynamiques collectives freinées, les talents fuient. Le coût économique, ici, est aussi un coût en opportunité.
5. Derrière le conflit, des causes multiples
La plupart des conflits ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ils révèlent, en réalité, des tensions plus profondes liées à l’organisation du travail, aux conditions d’exercice, ou à un contexte plus large que le simple désaccord entre individus
Plusieurs causes systémiques peuvent favoriser l’émergence de tensions :
- une surcharge de travail chronique ou des objectifs irréalistes,
- des incivilités répétées de la part des usagers ou des clients,
- une pression constante liée aux délais ou à la performance,
- des restructurations ou changements mal accompagnés,
- un manque de reconnaissance ou de perspectives d’évolution,
- une hyperconnexion qui empêche toute récupération mentale
Ces facteurs, combinés, usent les équipes et fragilisent le collectif. Dans un environnement saturé, le moindre accrochage peut dégénérer. Ce n’est pas seulement que “deux collègues ne s’entendent pas” : c’est tout un système qui, sous tension, laisse les individus à fleur de peau
Un baromètre Malakoff Humanis (2023) indique que 60 % des salariés ressentent du stress au travail au moins une fois par semaine. La Fondation Jean Jaurès alerte également sur la fatigue informationnelle croissante, causée par une surcharge de sollicitations numériques, source d’irritabilité et de tensions interpersonnelles
Il est donc essentiel de ne pas traiter le conflit comme une anomalie isolée, mais comme un signal d’alerte. Un conflit visible peut masquer un climat social plus largement dégradé. Et sans prise en compte de ses causes structurelles, toute tentative de résolution risque de rester superficielle.
6. Comment agir face aux conflits internes ?
Il n’existe pas une seule façon d’agir face aux conflits. Tout dépend de leur stade d’évolution, de leur nature, du contexte d’équipe… mais surtout : il est toujours possible d’agir. Voici les principaux leviers à activer selon le moment où l’on intervient
a. En prévention primaire : avant que le conflit n’apparaisse
La première clé est de structurer un cadre collectif clair. Des règles de fonctionnement explicites, une répartition des rôles bien définie, et des canaux de communication fluides réduisent considérablement les risques de tension
Former les managers est ici essentiel : savoir détecter les signaux faibles, désamorcer une crispation, ouvrir un espace de dialogue, cela ne s’improvise pas. Or, beaucoup de managers de proximité ne sont pas formés à la régulation relationnelle
Encourager une parole libre et bienveillante, offrir des espaces de retour d’expérience, et identifier les situations à risque grâce à un diagnostic RPS ou un appui IPRP sont autant d’actions de prévention efficace
b. En prévention secondaire : dès les premiers signes
Lorsqu’un malaise émerge, il est tentant d’attendre que « ça passe ». Pourtant, c’est à ce moment précis qu’une intervention rapide a le plus d’impact
Un entretien à deux, une médiation légère, un rappel du cadre ou une mise à plat collective peuvent suffire à enrayer l’escalade. Encore faut-il que les responsables aient les outils et la légitimité pour agir
Dans certains cas, faire appel à un intervenant externe permet d’objectiver la situation et de faire émerger des pistes d’action neutres
c. En phase de réparation : une fois le conflit installé
Lorsque le conflit est avéré, voire public, il est nécessaire de reconstruire. Cela peut passer par une médiation formelle, un accompagnement d’équipe, ou un atelier collectif pour retisser les liens
Recréer un socle commun — valeurs, règles, modes de coopération — est indispensable pour apaiser durablement le climat. Impliquer les salariés dans cette reconstruction favorise l’adhésion et la pérennité du changement
d. Une constante : ne pas rester immobile
Le choix du bon levier dépend du contexte, mais l’inaction est le terrain idéal pour l’enlisement. Mieux vaut une action imparfaite qu’une attente stérile
Un conflit mal traité ne disparaît pas : il mute, se durcit, ou se reproduit ailleurs. Agir, c’est aussi montrer que le respect, la sécurité psychologique et la qualité de vie au travail sont des priorités concrètes.
7. Et concrètement, avec Quéoris ?
Lorsqu’il s’agit de passer à l’action, il est essentiel de pouvoir s’appuyer sur des solutions concrètes, modulables et adaptées au contexte spécifique de l’entreprise. C’est dans cette logique que Quéoris accompagne les structures confrontées à des tensions internes, à travers des formats pensés pour répondre aux différents niveaux d’intensité des conflits
L’un des leviers les plus efficaces dans un contexte de tensions installées est l’atelier “Communication et gestion de conflits internes”. Proposé en collectif, sur une journée, cet atelier favorise un travail en profondeur à partir de situations concrètes vécues. Les participants expérimentent l’écoute active, la confrontation constructive, et co-construisent une charte du “travailler ensemble”, véritable socle commun pour restaurer des bases relationnelles saines. Cet atelier, inscrit dans une démarche de prévention des RPS, s’adresse aux équipes en souffrance mais aussi à celles qui veulent renforcer leur cohésion
Pour aller plus loin, Quéoris propose également une formation “Prévention et gestion des conflits en milieu professionnel”, sur deux jours. Elle permet de comprendre les origines des conflits, de repérer les profils difficiles, de désamorcer les jeux de pouvoir ou de manipulation (notamment via le triangle de Karpman), et d’adopter une posture assertive dans les échanges tendus. Cette formation, composée à 70 % de mises en situation pratiques, offre des clés concrètes pour désamorcer les tensions, y compris dans des contextes complexes. Elle peut être centrée sur les conflits internes à la demande de l’entreprise
Dans certains cas, un suivi post-atelier ou post-formation peut être mis en place, afin de consolider les acquis, identifier les résistances persistantes et accompagner les équipes dans le temps
Pour les entreprises souhaitant proposer un point d’écoute accessible à tous, Quéoris lance également une cellule de médiation RPS. Concrètement, les salariés peuvent joindre un numéro dédié pour parler d’une situation difficile : conflit interpersonnel, suspicion de harcèlement, ambiance dégradée… Un médiateur professionnel de notre réseau analyse la demande, conseille, oriente, et peut proposer une médiation en présentiel si nécessaire. Cette cellule permet aussi de faire remonter à la direction, de manière anonyme, des alertes ou tendances générales, tout en garantissant un espace confidentiel et éthique pour les salariés
Enfin, parce que les conflits sont souvent liés à des causes structurelles (surcharge mentale, hyperconnexion, stress…), Quéoris propose plusieurs formations complémentaires :
- Une formation “Initiation aux RPS”, idéale pour les managers de proximité, afin de mieux comprendre les mécanismes des risques psychosociaux, les signaux faibles et les leviers de prévention
- Des formations ciblées comme “Droit à la déconnexion”, “Gestion du stress” ou “Prévention des incivilités”, qui permettent d’agir sur les causes indirectes des tensions interpersonnelles
Dans les situations plus complexes, un accompagnement par un IPRP (Intervenant en Prévention des Risques Professionnels) permet de réaliser un diagnostic de terrain : observation des interactions, entretiens anonymisés, restitution et recommandations. C’est souvent le premier pas vers une démarche de fond, structurée et durable
Quel que soit le niveau de tension ou l’historique du conflit, il existe des solutions. Et les équipes, lorsqu’elles sont accompagnées avec justesse, sont souvent capables de retrouver confiance, sérénité et cohésion.
8. Reconstruire, c’est possible
Lorsqu’un conflit a profondément marqué une équipe, il est facile de croire que le climat ne redeviendra jamais serein. Pourtant, de nombreuses structures parviennent à restaurer un fonctionnement apaisé, voire à renforcer leur cohésion, à condition de ne pas précipiter les choses et de poser des fondations solides
Reconstruire, cela commence par reposer un cadre : réaffirmer les règles de fonctionnement, clarifier les rôles, et rappeler les valeurs qui doivent guider les relations au travail. Ce cadre doit être incarné par l’encadrement, mais aussi co-construit avec les équipes pour retrouver un sentiment d’adhésion et de légitimité
C’est aussi le moment de revaloriser les efforts faits : souligner les progrès, reconnaître les évolutions individuelles et collectives, encourager les initiatives. La reconnaissance est un levier puissant pour retisser de la confiance

La reconstruction nécessite également du temps. Il ne s’agit pas d’une parenthèse qui se referme d’un coup, mais d’un chemin. Maintenir une vigilance dans les semaines et les mois qui suivent est essentiel : bilan collectif, point d’étape avec les équipes, ajustements organisationnels si besoin… Autant de gestes qui témoignent d’un engagement durable
Enfin, certaines équipes ressortent de ces périodes de tension plus solides qu’avant. Une crise bien accompagnée peut devenir une opportunité pour dire ce qui n’était jamais dit, remettre à plat des habitudes dysfonctionnelles, et bâtir une nouvelle manière de collaborer. C’est un pari exigeant, mais souvent gagnant
Conclusion
- Quand vos salariés en viennent aux cris, aux insultes ou aux menaces, le conflit n’est plus une hypothèse à prévenir. Il est là, sous vos yeux. Mais ce n’est jamais trop tard pour agir
- Les conflits ne sont pas qu’un problème relationnel : ils sont le révélateur d’un collectif sous tension. Et leur gestion ne doit pas être improvisée. Qu’il s’agisse de prévenir, d’intervenir ou de reconstruire, il existe des solutions concrètes, des outils éprouvés, des accompagnements adaptés
- En tant qu’employeur, RH ou responsable prévention, vous n’êtes pas seuls. Le pire choix reste l’inaction. Le bon moment pour agir ? C’est rarement “plus tard”
Et si c’était maintenant ?
Sources
INRS – Dossier « RPS et conflits au travail » : www.inrs.fr
ANACT – « Prévenir les tensions dans les collectifs de travail » : www.anact.fr
Harvard Business Review – « Workplace conflict costs and resolution strategies » (2022)
Cegos – Baromètre RH 2023, volet management et climat social
IFOP – Baromètre du climat social en entreprise, édition 2022
Malakoff Humanis – Baromètre sur le bien-être et le stress au travail (2023)
Fondation Jean Jaurès / ARTE – Étude « Fatigue informationnelle et surcharge numérique » (2024)
Données de terrain issues des accompagnements réalisés par Quéoris (2022–2025)